Maman et Petit (1731-1742)
Chambéry, Lyon, Annecy, Genève, Nyon, Les Rousses, Besançon, Cluses, Charmettes, Montagnole, Grenoble, Moians, Saint-Marcellin, Romans, Valence, Livron, Montélimar, Pont Saint-Esprit, Remoulins, Pont du Gard, Nîmes, Pont de Lunel, Montpellier, Chapareillan
sep. 1731-aou. 1733 | aou. 1733-sep. 1737 | sep. 1737-a | sep. 1737-b |
sep. 1737-fev. 1738 | fev. 1738-jul. 1742
Septembre 1737-b
Livron, Montélimar, Pont-Saint-Esprit, Remoulins, Pont du Gard, Nîmes, Pont de Lunel
- 16, Rousseau est à Montélimar. Il y passe trois jours, toujours avec Mme de Larnage (OC I, p. 254).
A Montelimar elle eut des affaires qui l'y retinrent trois jours durant lesquels elle ne me quitta pourtant qu'un quart d'heure pour une visite qui lui attira des importunités désolantes et des invitations qu'elle n'eut garde d'accepter. Elle prétexta des incommodités qui ne nous empêchérent pourtant pas d'aller nous promener tous les jours tête à tête dans le plus beau pays et sous le plus beau ciel du monde. Oh, ces trois jours! j'ai dû les regretter quelquefois; il n'en est plus revenu de semblables (OC I, p. 254).
- 19, R. part de Montélimar.
- 20, R. se sépare de Mme de Larnage à Pont Saint-Esprit (OC I, p. 254-255).
- 20, R. arrive à Remoulins (OC I, p. 255).
- 21, R. visite le Pont du Gard (OC I, p. 255-256).
On m'avoit dit d'aller voir le Pont du Gard; je n'y manquai pas. Après un déjeuné d'excellentes figues, je pris un guide et j'allai voir le Pont du Gard. C'étoit le premier ouvrage des Romains que j'eusse vu. Je m'attendois à voir un monument digne des mains qui l'avoient construit. Pour le coup l'objet passa mon attente, et ce fut la seule fois en ma vie. Il n'appartenoit qu'aux Romains de produire cet effet. L'aspect de ce simple et noble ouvrage me frappa d'autant plus qu'il est au milieu d'un desert où le silence et la solitude rendent l'objet plus frappant et l'admiration plus vive; car ce prétendu pont n'étoit qu'un aqueduc. On se demande quelle force a transporté ces pierres énormes si loin de toute carriére, et a réuni les bras de tant de milliers d'hommes dans un lieu où il n'en habite aucun. Je parcourus les trois étages de ce superbe édifice que le respect m'empêchoit presque d'oser fouler sous mes pieds. Le retentissement de mes pas sous ces immenses voutes me faisoit croire entendre la forte voix de ceux qui les avoient bâties. Je me perdois comme un insecte dans cette immensité. Je sentois tout en me faisant petit, je ne sais quoi qui m'élevoit l'ame, et je me disois en soupirant: Que ne suis-je né Romain! Je restai là plusieurs heures dans une contemplation ravissante. Je m'en revins distrait et rêveur, et cette rêverie ne fut pas favorable à Madame de Larnage (OC I, p. 255-256).
- 22, R. est à Nîmes et visite les arènes (OC I, p. 256).
A Nimes j'allai voir les Arênes. C'est un ouvrage beaucoup plus magnifique que le Pont-du-Gard, et qui me fit beaucoup moins d'impression, soit que mon admiration se fût épuisée sur le premier objet, soit que la situation de l'autre au milieu d'une ville fut moins propre à l'exciter. Ce vaste et superbe cirque est entouré de vilaines petites maisons, et d'autres maisons plus petites et plus vilaines encore en remplissent l'arène; de sorte que le tout ne produit qu'un effet disparate et confus, où le regret et l'indignation étouffent le plaisir et la surprise. J'ai vu depuis le cirque de Vérone infiniment plus petit et moins beau que celui de Nimes, mais entretenu et conservé avec toute la décence et la propreté possibles, et qui par cela même me fit une impression plus forte et plus agréable. Les François n'ont soin de rien et ne respectent aucun monument. Ils sont tout feu pour entreprendre et ne savent rien finir ni rien conserver (OC I, p. 256).
- 23, R. s'arrête à Pont de Lunel. Repas gastronomique (OC I, p. 256-257).
J'étois changé à tel point et ma sensualité mise en exercice s'étoit si bien éveillée que je m'arrêtai un jour au Pont de Lunel pour y faire bonne chére avec de la compagnie qui s'y trouva. Ce cabaret, le plus estimé de l'Europe, méritoit alors de l'être. Ceux qui le tenoient avoient su tirer parti de son heureuse situation pour le tenir abondamment approvisionné et avec choix. C'étoit réellement une chose curieuse de trouver dans une maison seule et isolée au milieu de la campagne une table fournie en poisson de mer et d'eau douce, en gibier excellent, en vins fins, servie avec ces attentions et ces soins qu'on ne trouve que chez les grands et les riches, et tout cela pour vos trente cinq sous. Mais le Pont-de-Lunel ne resta pas longtemps sur ce pied, et à force d'user sa reputation, il la perdit enfin tout à fait (OC I, p. 256-257).
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